Dans cette affaire, l'acte de donation prévoyait un report de l'usufruit sur le prix de vente éventuel des titres, comportant interdiction pour le nu-propriétaire de demander le partage en pleine propriété du prix représentatif de ces derniers, et une clause de remploi du produit des aliénations dans tous biens dont l'acquisition pourra être décidée par les seuls usufruitiers afin de permettre le report des droits de ces derniers sur les biens nouvellement acquis.
En pratique, toutefois, le prix avait été versé sur un compte indivis avant la mise en place de la convention de quasi-usufruit.
La Cour décide que "les clauses de la donation ayant été figées à la date de la cession du bien et n'étant pas susceptibles d'être modifiées après cette date", le donateur ne pouvait pas s'approprier la totalité du produit de la cession des titres sous forme de quasi-usufruit.
La CAA Nantes assène curieusement : "à la date de la cession des titres, fait générateur de la plus-value imposable, le prix de cession des titres démembrés n'avait fait l'objet d'aucun remploi."
On serait tenté de répondre qu'il n'est guère possible de remployer un prix de cession avant qu'il ne soit perçu...
A notre sens, cette décision n'est pas conforme au droit civil.
En application de l’article 621 du Code civil, "en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété d'un bien, le prix se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l'usufruit sur le prix."
Selon l'article 587 du Code civil, la mise en place d'un démembrement sur une somme d'argent constitue nécessairement un quasi-usufruit.
Ainsi, comme le soutenait le contribuable, le report de l'usufruit sur le prix de vente était prévu par la donation, de sorte que la convention postérieure de quasi-usufruit n'a fait qu'entériner une situation de fait.
La décision de la CAA Nantes nous paraît donc contraire à la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat, qui a, dans un arrêt du 31 mars 2017 (CE, 10e ch., 31 mars 2017 n°395550), écarté l'abus de droit au titre d'une convention postérieure qui "ne modifiait en rien le démembrement de propriété affectant ces titres résultant de la donation".
Pour nous, dès lors que le report du démembrement sur le prix a bien été prévu dans l'acte de donation, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'opération au prétexte d'une convention de quasi-usufruit postérieure, dont la vocation serait seulement de préciser le fonctionnement du quasi-usufruit déjà institué par l'acte de donation.